Avant d'entrer dans le détail de ce rapport, il est important de souligner les préoccupations croissantes concernant certains réseaux de mandataires automobiles comme Ewigo, Simplicicar et TransakAuto. Ces entreprises, qui servent d'intermédiaires entre vendeurs et acheteurs de véhicules d'occasion, suscitent des questions sur leur modèle économique, leurs promesses de revenus importants et la protection réelle offerte aux consommateurs. L'analyse des pratiques de ces réseaux révèle un système qui, bien que légal, présente des zones d'ombre méritant une attention particulière des consommateurs et des autorités.
Le concept du mandataire automobile : un intermédiaire aux multiples promesses
Un modèle basé sur l'intermédiation
Le mandataire automobile se définit comme un professionnel agissant pour le compte d'un particulier dans le cadre d'une transaction automobile. "Souvent appelé mandat de vente ou mandat de recherche, est un contrat entre une personne physique ou morale (le mandant) et un professionnel de l'automobile (le mandataire). Ce contrat autorise le professionnel à agir au nom du mandant pour vendre, acheter ou trouver un véhicule spécifique, en échange d'une commission ou d'une rémunération convenue"4.Ces entreprises comme Ewigo, Simplicicar et TransakAuto se présentent comme des solutions innovantes face aux contraintes traditionnelles du marché de l'occasion. Elles promettent de simplifier les démarches tant pour les vendeurs que pour les acheteurs.
Des services séduisants sur le papier
Les services proposés par ces réseaux semblent attrayants à première vue. Simplicicar affirme offrir une estimation gratuite et une mise en valeur professionnelle : "nous commencerons par réceptionner votre véhicule dans le but de faire son estimation gratuitement au plus juste de sa valeur actuelle du marché"2. De son côté, TransakAuto met en avant la sécurité des transactions : "Chez TRANSAKAUTO, comme lorsque vous achetez un bien immobilier, nous passons par un compte séquestre, partenaire agrée à la Banque de France"3.Ewigo propose également de gérer la vente "de A à Z", promettant "un gain de temps pour nos clients, de préserver leur anonymat, de leur garantir leur sécurité lors des essais, de sécuriser les paiements et optimiser les ventes"16.
Un système de recrutement et de rémunération questionnable
Le marketing de réseau au cœur du modèle économique
L'un des aspects les plus controversés de ces entreprises concerne leur mode de recrutement et de rémunération qui s'apparente au marketing de réseau (MLM). Comme l'explique une source spécialisée : "La plupart des réseaux ont mis en place des systèmes de parrainage, dit aussi systèmes de MLM (marketing de réseau), qui permettent d'aligner fortement les intérêts entre les parrains (les conseillers qui recrutent) et les filleuls (les conseillers qui sont recrutés)"6.Ce système encourage les mandataires à recruter de nouveaux membres, créant ainsi une structure hiérarchique où les revenus proviennent non seulement des ventes directes mais aussi des performances des "filleuls". "Les mandataires parrains sont rémunérés non seulement sur leurs propres ventes, mais aussi sur les ventes de leurs filleuls"5.
Des promesses de revenus mirobolants
Sur les réseaux sociaux, particulièrement LinkedIn, ces entreprises mettent en avant des success stories impressionnantes. TransakAuto vante par exemple le parcours d'un certain Mounir : "Du smic à plus d'un million par an avec TRANSAKAUTO FRANCE ! [...] Il fait 675K€ de CA ! [...] 1M€ de CA ! [...] 1,1M€ de CA !"18. Ces témoignages suscitent des interrogations légitimes, comme le souligne un commentaire critique sur ce même post : "l'accroche du post est très « LinkedIn bullshit » 😅 Du smic (salaire) à 1M (de CA), c'est comme dire : d'une chambre de bonne (logement) à un immeuble entier (de bureaux)"18.
L'expertise automobile en question
Des recrues sans formation spécifique
Un élément préoccupant est l'absence apparente d'expertise automobile requise pour intégrer ces réseaux. Les témoignages indiquent que de nombreux mandataires viennent d'horizons professionnels sans rapport avec l'automobile. Par exemple, Timothé Forlen, fondateur d'une agence Ewigo, "a travaillé trois ans chez Decathlon jusqu'à être directeur-adjoint d'un magasin" avant de se lancer dans ce secteur8.De même, TransakAuto met en avant le recrutement de Mounir qui "n'était pas dans l'automobile, mais sa motivation aurait pu soulever des montagnes"18. Cette situation soulève des questions sur la capacité de ces professionnels à évaluer correctement l'état technique des véhicules qu'ils proposent.
Des conséquences pour les consommateurs
L'absence d'expertise automobile peut avoir des conséquences négatives pour les consommateurs. Des témoignages critiques en témoignent : "Ils m'ont livrés une voiture avec voyant moteur allumé en permanence, grelee, pneus lisses, courroie de distribution à faire d'urgence...etc...ils refusent d'annuler la vente et me rembourser"7. Un autre client déçu rapporte : "Je l'emmène de nouveau dans un garage Mercedes-Benz pour faire la révisions [...] Là j'apprends que ce n'est pas une finition AMG LINE mais une PROGRESSIVE LINE, une finition inférieure"15.
La question des garanties et de la responsabilité
Des garanties limitées
Ces réseaux proposent généralement des garanties de base sur les véhicules vendus. TransakAuto affirme offrir "une garantie de 3 mois sur chaque véhicule (Moteur-Boite-Pont)"3. Cependant, des témoignages mettent en doute l'efficacité de ces garanties : "À notre grande surprise, EWIGO refuse de prendre en charge alors que nous avons une garantie censé couvrir la boîte à vitesse"7.
Une responsabilité juridique floue
La question de la responsabilité juridique de ces mandataires est complexe. Agissant comme intermédiaires, ils peuvent échapper à certaines obligations qui incombent normalement aux vendeurs professionnels. L'avocat Jean-Baptiste le Dall soulève cette problématique : "la question de la responsabilité du mandataire intervenant en matière d'achat ou de vente automobile se pose de façon accrue. Peut-on faire jouer la rencontre la garantie légale des vices cachés à son encontre ?"14.
Le modèle économique et ses zones d'ombre
Une rémunération opaque
Si ces entreprises affirment souvent que leurs services sont "gratuits" pour les vendeurs, leur modèle économique repose sur diverses commissions. Pierre Gay d'Ewigo précise : "On se rémunère principalement avec les extensions de garantie et les financements"16. Cependant, des témoignages évoquent des commissions substantielles : "Car moi il me demande 1200 euros qu'ils prennent sur la vente de mon véhicule je trouve ça énorme"7.
Un système qui favorise la croissance rapide
Le modèle de ces entreprises est conçu pour favoriser une expansion rapide. La combinaison du marketing de réseau et des commissions sur les services annexes (garanties, financements) permet aux têtes de réseau de générer des revenus importants. "Dans les réseaux où il y a 5 ou 6 niveaux de parrainage, la commission maximum que l'on obtient quand on est un top vendeur est généralement plafonnée à 85%. En effet, il faut ensuite rémunérer les éventuels parrains"6.
Conclusion
L'émergence des réseaux de mandataires automobiles comme Ewigo, Simplicicar et TransakAuto représente une évolution significative dans le marché des véhicules d'occasion. Si leur proposition de valeur peut sembler attrayante à première vue, notre analyse révèle plusieurs points de vigilance importants pour les consommateurs.Le modèle économique basé sur le marketing de réseau, les promesses de revenus élevés, l'absence d'expertise automobile spécifique et les limites des garanties proposées constituent autant de raisons d'aborder ces services avec prudence. Les consommateurs devraient s'informer en détail sur les conditions précises des transactions et ne pas hésiter à consulter des avis indépendants.Les autorités de régulation pourraient également s'intéresser de plus près à ce secteur en pleine expansion, notamment concernant la formation des mandataires, la transparence des commissions et l'efficacité réelle des garanties proposées. Une réglementation plus stricte pourrait être nécessaire pour protéger adéquatement les consommateurs dans ce marché en évolution.En attendant, il est recommandé aux potentiels vendeurs et acheteurs de redoubler de vigilance et de se rappeler que, comme dans tout domaine, les promesses trop belles pour être vraies méritent d'être examinées avec un œil critique.